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PCF : chronique d’une mort annoncée, par Stéphane Courtois

jeudi 5 juillet 2007

Le Parti communiste français vient d’enregistrer le plus mauvais résultat de son histoire dans une élection de caractère national. Avec 691 425 voix et 1,95 % des exprimés en métropole, Marie-George Buffet recule largement par rapport au score de Robert Hue de 2002 (955 030 voix et 3,4 % des voix). En un quart de siècle, le PCF a dilapidé son capital électoral : si l’on retient comme base 100 le score de Georges Marchais en 1981, M. Hue était déjà tombé à 54 en 1995 puis à 19 en 2002. Mme Buffet plonge à 15.

Les raisons de ce résultat désastreux sont en partie liées à une campagne menée à la fois sur le thème du rassemblement de la gauche et du rassemblement du mouvement antilibéral : la candidate a perdu sur les deux tableaux. Elle a pâti du vote utile, une part de ses électeurs craignant une réédition de 2002 et se portant dès le premier tour sur Ségolène Royal. Mais elle a aussi souffert d’un phénomène inédit : des dirigeants communistes se sont publiquement et collectivement engagés en faveur d’un candidat non communiste, José Bové, dont le directeur de campagne n’était autre que Jaques Perreux, ex-secrétaire général des Jeunesses communistes et vice-président du conseil général du Val-de-Marne.

A cela s’ajoute le résultat d’Olivier Besancenot. Le candidat de la Ligue communiste révolutionnaire pouvait craindre le ressac du vote utile. Cela n’a pas été le cas. Non seulement il est parvenu à siphonner une bonne part des électeurs d’une Arlette Laguillier en bout de course, mais en revendiquant pour lui seul la légitimité de la candidature anticapitaliste, révolutionnaire et populaire, bien loin du prêchi-prêcha de Mme Buffet, Besancenot s’est propulsé loin devant le PCF, avec plus de 1 472 000 suffrages et 4,15 % des voix. Non content de dépasser 5 % des voix dans plusieurs départements, alors que Buffet ne les atteint nulle part, il a franchi ce seuil dans les ex-bastions communistes : l’Allier (5 % contre 4,5 à Buffet), le Cher (5,1 contre 3,8), la Haute-Vienne (5,5 contre 3,1), la Creuse (5,4 contre 2,9), le Nord (5,2 contre 3), le Pas-de-Calais (6,2 contre 3,4), la Seine-Maritime (5,7 contre 2,8) et la Somme (5,8 contre 2,2).

ANCIENS FIEFS

Même les municipalités communistes ne résistent pas, comme les fiefs de Vitry (7,7 contre 5,5) ou de Villejuif (8,3 contre 6,4). Apparu en 1995, le phénomène s’est accentué. C’est le cas, par exemple, dans la municipalité communiste de Calais : Robert Hue y avait obtenu 15,5 % des voix en 1995 contre 7,2 à l’ensemble de l’extrême gauche ; en 2002 la proportion s’est inversée (Hue 8,6, extrême gauche 14,9) ; en 2007 elle s’aggrave (Buffet 4,6, extrême gauche 12).

Ce résultat désastreux semble avoir laissé la direction désemparée. Joëlle Greder, qui présente le rapport au Conseil national du 9 mai, évoque « des communistes profondément choqués » et « une véritable catastrophe politique », avant de conclure : « La question de l’avenir d’un courant de transformation sociale et du PCF est posée. » Jérôme Relinger, de la direction, se désole : « Tout est à reconstruire dans notre compréhension du monde. »

Pourtant, la défaite vient de loin et cette longue agonie du PCF est un chemin de croix marqué par plusieurs stations. La première est intervenue en 1958 quand le général de Gaulle a ramené à 20 % l’influence du premier parti de France à la sortie de la guerre (28,6 % en novembre 1946). La période du partage du champ politique entre gaullistes et communistes s’est close en 1971-1972 avec la refondation du PS à Epinay et la signature du Programme commun entre PCF et PS. Avec, à la clef, la deuxième défaite majeure pour le PCF : en 1981, Georges Marchais est nettement devancé par Mitterrand et les communistes contraints de passer sous les fourches caudines du PS.

Cependant, en même temps que M. Mitterrand réussissait à détourner à son profit une partie de l’électorat communiste, le PS était fortement contaminé par la vieille idéologie marxiste, voire léniniste : celle des communistes à travers l’Union de la gauche, et celle des innombrables trotskistes post-soixante-huitards ralliés au PS avant ou après 1981. Le PCF a ainsi conservé un évident magistère idéologique, reposant sur « le charme universel d’Octobre » (François Furet), sur le mythe du « grand parti de la classe ouvrière » et sur une mémoire glorieuse de la Résistance.

CHEMIN DE CROIX

Hélas pour lui, il arrive alors à la troisième station de son chemin de croix : les ouvriers, son électorat de prédilection, l’abandonnent. Ce décrochage, amorcé en 1981, aggravé à la fin des années 1980 par le transfert du vote ouvrier et populaire soit vers le PS, soit vers le Front national, est encore confirmé en 2007. Alors que Le Pen recueille environ 25 % de ce vote, Besancenot y dépasse sa moyenne nationale (7 %) tandis que Buffet stagne à 2 %. Pire, parmi les sympathisants de la CGT, Le Pen réunit 12 % du vote, Besancenot 9 % et Buffet 7 % - contre 18 % à Hue en 2002.

Le calvaire se poursuit en 1989-1991, avec l’effondrement des « démocraties populaires » et de l’URSS. Désarçonné par la disparition de son modèle de référence, le PCF perd son statut tutélaire de seul représentant légitime du pôle révolutionnaire. En 1995, M. Hue tente en catastrophe une « mutation », mais il est trop tard. L’arrivée inopinée de la gauche plurielle au gouvernement en 1997 masque un temps le désastre, mais l’agonie se poursuit, inéluctable. Les élections législatives de juin 2007 risquent fort de porter le coup de grâce, tant le PCF a peu de chances de retrouver ses 20 députés et 2 apparentés de 2002 qui lui ont assuré un groupe parlementaire. Tout menace d’y contribuer. Le PS a clairement signifié que les cadeaux, envisageables en cas de victoire présidentielle, sont désormais hors de propos. Sept des communistes sortants ne se représentent pas.

En outre, dans plusieurs circonscriptions, les députés communistes ont été élus en 2002 grâce à un fort vote Front national, permettant à une gauche minoritaire de l’emporter. Mais si la dynamique de siphonnage des électeurs du FN par M. Sarkozy se confirme aux législatives, la vague de droite va tout balayer, et le PCF se retrouver avec une douzaine de députés, soit près de son étiage de 1932 (10 députés). Enfin, les élections municipales de 2008 pourraient bien constituer la dernière étape du chemin de croix, soit qu’un PS devenu grand parti unique de la gauche gagne les primaires, soit que des maires communistes, ne trouvant plus aucune gratification à se réclamer du PCF, rallient le PS.

Désormais, on voit mal quelle stratégie peut adopter le PCF : le mouvement antilibéral a implosé le 6 mai et, dans le processus bipartisan qui se dessine entre PS et UMP, l’union de la gauche n’a plus guère d’utilité pour le PS. Le PCF pourrait bientôt rejoindre le Parti radical au cimetière des grandes figures posthumes de la République. Stéphane Courtois est directeur de recherche au CNRS (Sophiapol-Paris-X).

Article paru dans l’édition du 22.05.07

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