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Le Parlement peut-il désavouer le peuple ? Par Didier Maus, Professeur de Droit constitutionnel

lundi 21 janvier 2008

Didier Maus est le président émérite de l’Association française de droit constitutionnel.

Le Parlement peut-il désavouer le peuple ?

La signature, le 13 décembre 2007, du traité de Lisbonne sur l’Union européenne conduit à soulever une question constitutionnelle : le Parlement peut-il désavouer le peuple ? Les données du problème sont simples et connues :

1.- Par le référendum du 29 mai 2005, le peuple français a refusé la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe ;

2.- Le traité de Lisbonne, dont chacun reconnaît qu’il reprend l’essentiel du traité de Rome, constitue une étape très significative du « processus d’intégration européenne » ;

3.- Dans ces conditions, que l’on soit favorable ou défavorable au traité, peut-on passer outre à la décision du peuple de mai 2005 en l’annulant par un vote du Parlement ?

Dans la France contemporaine, le référendum de 2005 est le troisième référendum négatif. Après le référendum du 5 mai 1946, une nouvelle Assemblée constituante a été élue et un nouveau référendum, le 13 octobre 1946, a permis d’adopter la Constitution de la IVe République. Le 27 avril 1969, le peuple français a rejeté le projet présenté par le général de Gaulle à propos de la régionalisation et d’une réforme du Sénat. Le résultat a entraîné, dans les heures qui suivirent, la démission du président de la République. De ce fait, cette réforme est restée lettre morte. La ratification du traité de Lisbonne par le Parlement, suite à un échec référendaire, consisterait donc une première.

D’un strict point de vue constitutionnel, la procédure normale de ratification d’un traité relève du Parlement. Ce n’est que lorsque le traité, sans être contraire à la Constitution, est susceptible d’avoir des conséquences sur les institutions que le président de la République peut demander l’accord du suffrage universel.

Le référendum du 20 septembre 1992 sur le traité de Maastricht était fondé dans la pensée de François Mitterrand sur les conséquences des évolutions politiques et juridiques contenues dans le traité. Un raisonnement identique avait conduit Jacques Chirac à décider le référendum de 2005 sur le traité constitutionnel.

Le traité de Lisbonne contient non seulement d’importants aménagements et renforcements des politiques sectorielles de l’Union européenne, notamment en matière de justice et de sécurité intérieure, mais reprend les innovations les plus significatives de l’évolution prévues par le traité constitutionnel de 2004 et adopte, même si le lien est moins apparent, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Il y aurait donc toutes les raisons de prolonger les raisonnements de 1992 et 2005 et demander au peuple français d’approuver le nouveau traité.

Prétendre que ce traité, sous prétexte qu’il comprend désormais un traité de l’Union européenne et un traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, serait un « minitraité » ou un « traité simplifié » relève d’une erreur d’analyse et d’un abus de vocabulaire.

Pour éviter de multiples consultations, le référendum pourrait être organisé en même temps que le premier tour des élections municipales, le 9 mars prochain. À partir du moment où le traité de Lisbonne n’est pas substantiellement différent de celui de 2004, demander au Parlement de désavouer le peuple aurait un double inconvénient : amoindrir la confiance des Français dans leur système politique et constitutionnel ; enfermer l’Europe politique dans le cénacle des spécialistes et lui refuser une véritable légitimité démocratique. Un nouveau référendum pourrait être à nouveau un grand moment de débat démocratique. Aux partisans du oui d’être convaincants. »

1 Message

  • Désavouer l’expression populaire permise grace au referendum est un déni de notre démocratie !

    A l’aire de la mondialisation exit la démocratie directe ! Les débats politiques européens échappent aux débats citoyens ; mais telle n’est pas justement la volonté de ceux qui construisent aujourd’hui l’Europe ?

    L’Europe semble peu interessée par nos valeurs démocratiques ! Que pensent les citoyens et representants des citoyens dans les autres pays de l’Union Europeenne soumises au meme diktat ?

    Je constate aujourd’hui que la presse et les medias français en général accordent que peu de place à ces débats publics qui touchent l’ensemble des pays européens signataires du traité de Lisbonne !

    A contrario, les médias français semblent vouloir focaliser l’opinion publique sur les querelles intestines des quelques parlementaires « nonistes » alors que l’intérêt du débat est autrement plus fondamental ! (On peut regretter une certaine derive de nos médias.... mais ceci est un autre débat !)

    Parcourant les web médias sur ce sujet, je suis tombée sur une info relative au parlement britannique qui semble être agité par la volonté de certains travaillistes et conservateurs favorables au référendum.... je n’ai rien vu dans les médias français sur ce sujet alors je vous fais passer le lien de l’info en question.

    Voir en ligne : traité europeen : le parlement britannique augmente la pression pour un rérérendum

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