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Des soldats français tués en Afghanistan

mercredi 20 août 2008

Des soldats blessés dans l’embuscade de Saroubi évoquent dans Le Monde des erreurs de commandement et de coordination lors de l’opération qui a fait 10 morts et 21 blessés.

Dans le même temps, des proches des victimes dénoncent les conditions dans lesquelles des jeunes soldats sont envoyés sur un terrain extrêmement périlleux.

« Il ne fallait pas envoyer ces jeunes au casse-pipe. Maintenant, c’est arrivé, le pire », a déclaré à Reuters Roland Grégoire, oncle d’un caporal tué lundi à Saroubi.

En réponse aux polémiques naissantes, le général Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre, a assuré que cette opération serait décortiquée « pour améliorer les procédures, la façon de travailler. »

« On tire toujours les enseignements d’incidents comme cela, et surtout de la gravité de celui-là, mais rien ne remettra en cause le choix que nous avons fait avec 45 pays de défendre la liberté et la sécurité du monde », a déclaré pour sa part le Premier ministre, François Fillon.

Mardi, le général Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées, avait estimé lors d’une conférence de presse à Paris « qu’il n’y avait pas eu d’erreurs des soldats sur le terrain. »

Selon des témoignages anonymes recueillis mercredi par Le Monde, le nombre des victimes lors du guet-apens de lundi et mardi s’expliquerait par « la lenteur de la réaction du commandement et de sérieux problèmes de coordination. »

« PLUS DE MUNITIONS »

L’unité de reconnaissance chargée d’approcher le col à pied « est restée sous le feu ennemi pendant près de quatre heures sans renfort », raconte un soldat. « Nous n’avions plus de munitions pour nous défendre avec d’autres armes que nos Famas », ajoute-t-il.

Le quotidien ajoute que les frappes aériennes de l’Otan visant à permettre aux soldats de s’extraire du guet-apens ont parfois raté leur cible et « touché des soldats français. »

En outre, les communications radio auraient été coupées avec les unités du Régiment de marche du Tchad en appui au sein du convoi.

Pour le Monde, contrairement à la version officielle, les victimes ne sont pas toutes mortes lors des premiers tirs ennemis mais « au fil des affrontements. »

« Il est vraiment facile de juger de très loin dans son fauteuil. Il faut prendre le déroulement de toute l’opération dans le détail, à tête reposée », répond le lieutenant-colonel Bruno Louisfert, adjoint à la communication du général Michel Stollsteiner, commandant de la région de Kaboul.

« Il y a un temps pour la compassion, la solidarité avec les familles. Passé ce temps là, nous allons, en vrai professionnels - car c’est une armée de métier -, décortiquer toute cette affaire et en tirer tous les enseignements », a renchéri le général Irastorza sur RTL.

« A chaque fois que nous avons un incident de ce type, à chaque fois que nous avons un engagement opérationnel, nous avons des procédures de retour d’expérience, nous analysons ce qui a été fait, ce qui aurait peut être pu l’être, et nous en tirons des conclusions », a-t-il ajouté.

Dans l’entourage du ministre de la Défense, Hervé Morin, on confirme qu’il y aura des « éclaircissements » sur les événements dans le cadre de la procédure menée systématiquement après un tel événement.

Mais des proches des victimes expriment leur « colère ».

« Là bas, c’était trop dangereux. L’histoire l’a prouvé. Ou alors, ils étaient trop jeunes, ou ils manquaient de matériel. Ce qui est sûr, c’est qu’ils sont morts dans une embuscade, comme du gibier », dénonce Roland Grégoire.

Dans Midi-Libre, son neveu, Julien Grégoire, juge « anormal d’envoyer des jeunes se faire tuer dans un pays où nous n’avons rien à faire. »

1 Message

  • La France a connu, dans la soirée du lundi 18 août, ses premières lourdes pertes en Afghanistan, au cours d’une embuscade qui a coûté la vie à dix soldats français et blessés vingt et un de leurs camarades. Selon une source militaire en poste à Kaboul, les combats ont fait rage de 13 h 30 jusqu’à la nuit. Les derniers blessés ont été évacués mardi vers 2 heures du matin.

    Les dix soldats tués appartenaient au 8e Régiment de parachutistes d’infanterie de marine (RPIMa), basé à Castres (Tarn), au 2e Régiment étranger de parachutistes (REP), basé à Calvi (Haute-Corse), et au Régiment de marche du Tchad (RMT), basé à Noyon (Oise).

    Dès l’annonce officielle de leur décès, Nicolas Sarkozy a tenu à justifier la présence et l’envoi de troupes françaises sur le sol afghan. « La cause est juste, a déclaré le président français. C’est l’honneur de la France et de ses armées de la défendre. Au nom de tous les Français, je renouvelle à nos armées la confiance de la Nation pour remplir leur mission. » Au même moment, interrogé par l’Agence France-Presse, un porte-parole des talibans revendiquait l’attaque. « Ce matin, a déclaré Zabihullah Mujahed, nous avons tendu une embuscade aux troupes de l’OTAN dans le district de Saroubi à l’aide de mines et de roquettes. Nous avons détruit cinq véhicules et infligé de lourdes pertes. »

    L’opération dans laquelle étaient engagés les soldats s’inscrivait dans le cadre de l’extension du mandat des troupes françaises en Afghanistan, et notamment dans la province de Kapisa, décision prise par le président Sarkozy après le sommet de l’OTAN de Bucarest début avril. Les soldats du 8e RPIMa, arrivés le 23 juillet en Afghanistan, figuraient à l’avant-garde d’un convoi, comprenant aussi des troupes de l’armée afghane et des forces spéciales de l’armée américaine, chargé de reprendre le contrôle d’une zone abandonnée aux insurgés entre les provinces de Kaboul et de Kapisa.

    Au sein de l’état-major de l’OTAN, à Kaboul, on confirmait, mardi soir, que la mission de ce convoi consistait à sécuriser une route jusque-là considérée comme dangereuse et peu fréquentée entre les districts de Saroubi, appartenant à la région de Kaboul où se trouvent des troupes françaises depuis 2002, et de Tag Ab, dans la province voisine de Kapisa où a été affecté le nouveau contingent envoyé cet été par la France.

    Cette route en lacet, interminable et idéale pour les embuscades, ne revêt, en soi, que peu d’intérêt stratégique, car on peut accéder à cette région, connue sous le nom de Kohistan, par d’autres voies. On note juste la présence d’un barrage dans le district de Saroubi. Cette mission consistait à faire le lien entre deux provinces désormais sous contrôle des Français.

    Le chef d’état-major des armées, le général Jean-Louis Georgelin, a décrit, lors d’une conférence de presse à Paris, ce qu’il a décrit comme « une embuscade bien montée ». « Arrivé à proximité d’un col, le chef de section a fait débarquer l’élément de tête de sa section pour aller reconnaître le site à pied. » C’est à ce moment-là que « le feu nourri » des assaillants a surpris la patrouille. « Le chef de section a été blessé à l’épaule tout de suite, ce qui a contribué à la désorganisation », a ajouté le général Georgelin, pour lequel l’attaque a correspondu à « un schéma d’embuscade classique ». Puis s’est engagée « une série de combats qui ont duré jusque tard le soir, sur un terrain extrêmement favorable à l’ennemi », selon le général, tandis que « les appuis aériens étaient apportés par la coalition ».

    Ce récit officiel paraît toutefois fort incomplet en comparaison des témoignages de soldats français blessés dans l’embuscade et rencontrés par Le Monde mercredi matin à Kaboul.

    Le nombre de victimes s’expliquerait notamment, selon ces soldats, par la lenteur de la réaction du commandement et de sérieux problèmes de coordination. L’unité de reconnaissance chargée d’approcher le col à pied est restée sous le feu ennemi « pendant près de quatre heures sans renfort ». « Nous n’avions plus de munitions pour nous défendre avec d’autres armes que nos Famas », raconte un blessé.

    Les frappes aériennes de l’OTAN censées permettre aux soldats assaillis de sortir du guet-apens ont par ailleurs, selon les blessés, raté leur cible et touché des soldats français, de même que des tirs venant des soldats afghans positionnés en aval. Les communications radio ont par ailleurs été coupées avec les unités du Régiment du marche du Tchad, créant une grande frustration parmi les soldats coincés au col.

    « Lorsque nous sommes arrivés à cinquante mètres de la ligne de crête, raconte un soldat, les tirs ont commencé. Ils n’ont pas cessé pendant six heures. Parmi les attaquants, il y avait des tireurs d’élite, ils étaient plus nombreux que nous et nous attendaient. On les entendait recharger leurs armes. »

    Les survivants à l’attaque s’interrogent également sur l’absence de mise en veille, comme c’est le cas pour ce type de mission à risque, d’une force d’action rapide. « Il faut près de trois heures pour arriver au col, suffisamment de temps pour que les talibans soient prévenus par des complices de notre arrivée. »

    Contrairement à la version officielle, les victimes ne sont pas toutes mortes lors des premiers tirs ennemis mais, selon les soldats interrogés, au fil des affrontements.

    La région de l’embuscade, située au nord de Kaboul, a longtemps été sous l’emprise du mouvement islamiste Hezb-e-Islami du chef de guerre Gulbuddin Hekmatyar. Cette organisation y est toujours présente, mais l’implantation islamiste radicale s’est largement diversifiée. Hekmatyar est passé, comme Jalaluddin Haqqani dans l’est de l’Afghanistan, de la résistance à l’armée russe à la lutte aux côtés du mouvement taliban du mollah Omar.

    C’est cette coalition d’insurgés, talibans afghans et combattants d’Hekmatyar, alliés aux talibans pakistanais et à Al-Qaida, qui a tendu un piège mortel aux soldats français.

    Jacques Follorou Le Monde

    Article paru dans l’édition du 21.08.08

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